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Professeur documentaliste et hybridation

, par Natacha Marchand - Format PDF Enregistrer au format PDF

Professeur documentaliste et hybridation

Cette piste de réflexion a été rédigée en début d’année 2021. Si la situation sanitaire nous permet aujourd’hui d’assouplir les protocoles, il semble plus qu’essentiel de tirer profit de cette expérience :

Force est de constater, en l’occurrence dans ce contexte sanitaire, que le mode hybride, relativement nouveau, se développe de manière conséquente tant dans l’enseignement que la formation. Si le présentiel est le modèle de référence majoritairement adopté dans l’enseignement, le contexte nous contraint de manière radicale à revisiter nos pratiques pédagogiques. Il impose aux enseignants d’exploiter de nouveaux modes d’enseignement, à savoir à distance ou en hybride. Les lycées et les universités en font particulièrement l’expérience depuis plusieurs mois. Les collèges risquent de s’y contraindre à nouveau à tout moment. 
Comment s’insère le professeur documentaliste dans ce nouveau mode  ?

Mode hybride : définition 

 
Plusieurs termes sont employés pour désigner le mode hybride dans les établissements d’enseignement, comme l’apprentissage mixte, l’apprentissage flexible ou blended learning. 
Le terme hybride fait référence à un mélange entre l’enseignement en présentiel et l’enseignement à distance. Plus précisément, c’est « une combinaison ouverte d’activités d’apprentissage offertes en présence, en temps réel et à distance, en mode synchrone ou asynchrone » (APOP, 2012).

CF infographie :
https://view.genial.ly/5f9fe3aa99153e0d7b53d24c/horizontal-infographic-review-lenseignement-hybride
 
L’enseignement hybride ne consiste pas à alterner des temps en présentiel et en distanciel indépendants mais à articuler et planifier le scénario pédagogique dans une logique de continuité par des moyens et des pratiques qui diffèrent selon les espaces : en classe avec une présence physique et à distance c’est-à-dire sans présence physique (différent d’une distance sociale). Le mode synchrone privilégiera des temps d’échanges en temps réel par le biais notamment des classes virtuelles en distanciel, et le mode asynchrone des temps de communication ne nécessitant pas de connexion simultanée (forums de discussion, échange de mails, partage de fichiers, exercices, lecture de documents…).
 

Repenser les pratiques pédagogiques

Le contexte sanitaire lié à la COVID-19 ponctué de confinements longs, courts ou alternés nous contraint inexorablement en tant qu’enseignants à repenser un cours en mode hybride et modifier nos pratiques pédagogiques tout en laissant l’apprenant au cœur de l’apprentissage. 
Dans cette démarche, plusieurs éléments sont à prendre en compte tels que la variété des styles d’apprentissage, l’autonomie des élèves et des enseignants, le matériel à disposition, l’accès aux ressources, la communication, l’interaction, la compréhension des objectifs à atteindre surtout en distanciel, la nécessité du feedback, la charge de travail, la gestion du temps, l’évaluation, la posture à adopter… mais également l’harmonisation des outils exploités et des procédures à suivre au sein d’un établissement.

Si des outils sont mis à disposition et préconisés à l’échelle nationale ou académique, une logique d’harmonisation devrait toutefois s’effectuer au sein de chaque collège ou lycée au risque de disperser les élèves dans différentes procédures, complexifier la communication, les usages et les pratiques. La continuité pédagogique nécessite donc non seulement une cohérence et un consensus mais également l’assurance d’une maîtrise de ces outils numériques tant pour les élèves que l’équipe éducative et de son accessibilité. Or pour atteindre l’autonomie concernant ces nouveaux usages, la formation et l’accompagnement s’avèrent indispensables. Au-delà, une mise en garde sur les outils numériques non conformes RGPD semble également indispensable pour respecter les données personnelles. 
 
Liste non exhaustive d’outils préconisés :

  • Les environnements numériques de travail (ENT) pour accéder aux documents et à des outils collaboratifs, créer et partager des productions. 
  • Le cahier de textes numérique pour planifier les activités et conserver une trace des apprentissages entre l’enseignement en classe et celui à distance. 
  • Des outils annexes au cahier de texte (ex. Skolengo) pour créer des exerciseurs et évaluer en ligne
  • Les classes virtuelles : (ex. classe virtuelle intégrée à l’ENT ou le dispositif du CNED Ma classe à la maison) pour mettre en place de manière sécurisée des classes virtuelles (https://www.cned.fr/maclassealamaison). Ces classes virtuelles sont réservées aux échanges entre les professeurs et leurs élèves. 
  • Des plateformes de streaming pour le son et la vidéo (ex. POD)
  • La plateforme https://apps.education.fr/ opérée par le ministère propose 6 types d’applications : Webconférence (pour échanger en groupe), Peertube Vidéos, Etherpad (pour rédiger à plusieurs mains), Nextcloud (pour partager des documents), Blogs (pour publier sur le web), Discourse (pour créer des forums). 
  • Le Réseau Canopé propose l’application La Quizinière qui permet de créer des exercices en ligne (https://quiziniere.com).
     

Le cours hybride nécessite donc incontestablement un redesign pédagogique passant par une démarche didactique, ainsi qu’un accompagnement par des spécialistes de l’environnement numérique afin de mieux « mixer » l’enseignement en présentiel et l’enseignement à distance, tout en répondant aux besoins pédagogiques du cours. Les représentants de le DRANE, les RRUPN ont de toute évidence une place essentielle dans le développement de ce nouveau mode. 

Que peut apporter le professeur documentaliste dans l’appropriation de ce nouveau mode ?

La place du professeur(e) documentaliste pendant le confinement

Dans l’académie de Rouen, différents témoignages durant le confinement au printemps 2020 issus de professeur(e)s documentaliste(s) ont permis de recueillir une quantité d’expérimentations pour assurer une continuité pédagogique et pallier au confinement et à l’isolement des élèves. Le professeur documentaliste s’est adapté, et comme tout enseignant, s’est initié au mode distanciel en autodidacte ou par le biais de formations proposées dans les différentes académies. 

Dans le cadre de leur mission liée à l’ouverture culturelle et aux ressources

Le portail documentaire (E-Sidoc, PMB) ou la rubrique CDI des ENT a particulièrement été étoffé pour mettre à disposition de nombreuses ressources notamment en accès libre. Des activités ont également été proposées aux élèves : quizz, défi lecture, poésie, concours photo... Certaines productions ont été mutualisées principalement dans les espaces partagés des ENT. Cette procédure a permis de valoriser le travail des élèves et de préserver un certain lien social (entre les élèves et avec les enseignants) et physique avec l’école car les espaces numériques de travail et ses services associés même dématérialisés font partie de l’environnement scolaire.

Dans le cadre de l’EMI, INFO-DOC : 

Les documentalistes ont également maintenu la continuité pédagogique pour poursuivre partiellement leur progression en s’adaptant, en exploitant les outils à disposition et les ressources majoritairement numériques. D’autres professeurs ont décidé de ne pas aborder de nouvelles notions pour limiter la surcharge de travail à distance et de se concentrer davantage sur la création de tutoriels en travaillant en collaboration avec le RRUPN de l’établissement. La continuité pédagogique a donc consisté pour certain(e)s à répondre à des besoins techniques.
Dans les lycées, certains documentalistes ont profité du temps en présentiel des élèves pour leur proposer une aide personnalisée et répondre à des besoins ou des difficultés rencontrées en distanciel. Si ces actions sont plus que louables, elles restent toutefois insuffisantes.
 

L’émergence de besoins 

Sans aborder la motivation, le contexte de confinement pour chaque famille ou dans un autre registre la disposition de matériel, il est indéniable de dire que dans ce contexte, les élèves et les enseignants se confrontent de plein fouet à la gestion parfois complexe des documents et aux usages liés à l’environnement numérique. La crise du Covid-19 est de surcroît révélatrice des inégalités d’accès au numérique. L’accès aux ressources, la maîtrise de l’information, la communication et, de manière plus large, l’environnement numérique sont au cœur du débat.
Il faut tirer partie de cette expérience. La notion de distanciel devrait être davantage intégrée au sein des établissements afin de rendre intelligible les outils numériques au services des apprentissages et ainsi mieux s’approprier les informations véhiculées ou rendre la communication perfectible.
Dans cette optique, les professeurs documentalistes sont particulièrement concernés par le processus d’hybridation. Si le professeur documentaliste a une certaine expertise dans la veille et la diffusion de l’information, il a aussi une place privilégiée pour conférer au sein des établissements une organisation pertinente et une logique de mise à disposition de ressources en accordant notamment une vigilance particulière dans l’harmonisation des pratiques et des supports (ex. ENT, Pronote, E-sidoc, GAR, sites et services annexes) et dans la gestion des données personnelles. Or ce travail ne peut se faire sans collaboration ou coopération de l’équipe éducative. 
En présentiel, et a fortiori pour mettre en œuvre la bascule de l’hybridation, il semble plus que nécessaire d’accompagner et de former davantage les élèves aux différents usages et pratiques numériques retenus afin d’obtenir une relative autonomie et de faciliter outre mesure les disciplines dans le savoir à transmettre en distanciel. Inclure davantage dans l’EMI ou l’INFO-DOC ces notions transversales de manière raisonnée faciliterait la continuité documentaire. 
D’autre part, PIX va permettre cette année aux 3e et terminal de valider certaines compétences numériques. Cette certification est nouvelle et n’a pas permis dans ce contexte de se l’approprier pleinement. Elle permet néanmoins de mesurer par domaine les compétences nécessaires à acquérir dans l’environnement numérique. Si PIX et notamment PIX Orga permet de créer des parcours ciblés et de positionner l’apprenant dans certaines compétences numériques et informationnelles, cette plateforme n’a pas vocation à former. Cette certification obligatoire, dans laquelle le professeur documentaliste peut avoir une place essentielle, appuie de manière significative sur le caractère indispensable de compétences à acquérir liées aux connaissances, aux attitudes et aux aptitudes dont les enseignants doivent s’emparer collectivement. PIX est aussi propice au développement du mode hybride dans la mesure où une compétence proposée dans un parcours et travaillée de manière autonome (à distance) peut être le prolongement d’une notion étudiée en cours (en présentiel). 
 

Conclusion :

L’expérience de l’hybridation vécue actuellement incite à la réflexion dans le devenir de l’école et soulève de nouveaux enjeux dans le monde éducatif. L’hybridation ne peut se faire seul, elle implique toute la communauté éducative. La place du professeur documentaliste y semble essentielle voire indispensable de par ses missions et ses compétences. N’oublions pas également que la fonction d’enseignant-documentaliste est par définition hybride avec des spécificités techniques et pédagogiques. Cette caractéristique lui permet de passer, dans une démarche de continuité, d’un espace CDI pour gérer des ressources physiques ou dématérialisées à un espace classe pour former les élèves. Le fait qu’il soit souvent diplômé d’un master SIC ou enseignant dans une démarche réflexive combinant l’information et la communication prouve encore une fois son caractère hybride. Ces particularités légitiment pleinement sa contribution dans le développement de nouvelles compétences pour limiter ainsi la fracture numérique, culturelle et intellectuelle et dans l’appropriation de ce mode d’enseignement.
 

 Natacha Marchand

Sources :
 
La classe hybride, un équilibre encore provisoire ! [en ligne]. Association pour les Applications Pédagogiques de l’Ordinateur au Postsecondaire, 17 avril 2012. [Consulté le 06/02/2021]. disponible sur : https://apop.qc.ca/fr/capsule/la-classe-hybride/
Rossi, Cécile. L’enseignement hybride. [en ligne]. 02/11/2020. [Consulté le 06/02/2021]. disponible sur : https://view.genial.ly/5f9fe3aa99153e0d7b53d24c/horizontal-infographic-review-lenseignement-hybride

Continuité pédagogique [en ligne]. Documentation Rouen, mise à jour 2021. [Consulté le 06/02/2021]. disponible sur : http://documentation.spip.ac-rouen.fr/

E-formation E-learning [en ligne]. Eduscol, 2021. [Consulté le 06/02/2021]. disponible sur : https://eduscol.education.fr/numerique/dossier/archives/eformation/not]ion-de-temps/synchrone-asynchrone

L’hybridation en documentation - académie de Lille [en ligne]. Eduscol, mise à jour janvier 2021. [Consulté le 06/02/2021]. disponible sur : https://eduscol.education.fr/2584/l-hybridation-en-documentation-academie-de-lille

Comment réussir l’hybridation des cours dans le cadre de la continuité pédagogique ? [en ligne]. DRNE région académique Bourgogne Franche comté, 06 novembre 2020. [Consulté le 08/02/2021]. disponible sur : 
https://drne.region-academique-bourgogne-franche-comte.fr/comment-reussir-lhybridation-des-cours-dans-le-cadre-de-la-continuite-pedagogique/